mardi 27 mars 2007

Une trace indélébile de musique flotte encore au-dessus des eaux

Juste une trace, pas plus. Une fumée impalpable dans laquelle nous allons pouvoir nous enrouler comme des pangolins neurasthéniques. La rivière cependant entraîne sans répit ses flots vers la mer, vers le large où les bateaux font la navette de long en large. Les filets qu'ils traînent ramènent vers le rivage des statues antiques coulées au large d'Alexandrie quand les émissaires de Ptolémée râtissaient vers sa bibliothèque tous les livres du monde connu. Dans la cour pavée, flotte encore le parfum du basilic que tu as froissé entre tes doigts, ce matin-là quand tu n'as rien trouvé à dire. Ce n'est pas grave, de toute façon la pluie allait tomber d'un moment à l'autre, et tout cela serait emporté vers le large avec le son des paroles envolées et des musiques évanouies.

Des envolées jaillissantes de colombes nous narguent avec leurs éclats de rire. N'ont-elles pas mieux à faire ? ne serait-ce que picorer les discours des politiciens ? ou encore semer des grains de moutarde dans le champ du possible ? Non, elles préfèrent rester perchées sur le parapet et se gausser de nos mines déconfites. Nous n'en avons que faire. Les tâches auxquelles nous nous sommes consacrés nous appellent d'une voix claire et puissante, vers une voie claire et brillante, il n'est pas question d'autre chose. Mais tout de même, au creux des soirs veloutés, un air de saxophone malicieux pourrait nous faire un croche-pied et nous irions tomber dans des buissons épineux de nostalgies.

La nostalgie nous regarde et nous martèle en tête de sortir de nos cases translucides. Pour garder intacte sa propre malédiction innée, elle l’a adoptée. Elle écarte tout contrevenant à la langue de bois à bord de son vernaculaire utilitaire. Elle disjoint les écrivains de leurs troubles devenus trop nombreux. Elle les inspecte tous, les interroge, les emmène dans un réduit au silence infalsifiable. Lorsqu’ils sont sans vigueur elle les agrafe par dix-sept et les enveloppe d’un papier glacé sous le timbre poussif d’un facteur d’ordres, impérieux et sournois. Puis elle les marchande contre des amulettes suédoises. L’oublittérature à de beaux jours devant elle.

Théâtre en kit, acte primitif, scène Hun ! Le désordre sous les traits de l’Incommunicable règne en dramaturge. Les personnages-nous avancent avec peine de grossiers et lourds propos insoutenables sous les coups de fouets et les projecteurs. Une estafette déboule et embarque tout ce beau monde jusqu’à une plage énervée. Tous se regardent dans les yeux et personne ne comprend. Ils rentrent chez eux et découvrent des pangolins dans chaque pièce. Ils ressortent et dans les rues sousréalistes affluent des courants littéraires qui inondent le moindre esprit inoccupé et forment une fanfare que nul ne veut rater. De la musique avant toute chosification. Sans conscience de sa servitude chacun multiplie les pirouettes tranpolinesques et nul ne pense que son état passager en provenance de Paris et à destination de Lectoris est prié de boutonner son faux-col.

La créature de la première version d’un texte, celle qui collectionne les coquilles, celle qui porte tout de rien, comme un chapeau de feutres de couleurs par tous les temps de la conjugaison, ou comme une licence II poétique d’une soul-catégorie. Celle qui disjoncte entre l’objet de son répondeur et la taxe que doit payer tout condamné à parler devant la terreur d’être victime d’un détournement de sentiment. Alors elle se rend ridicule, prend un verre à l’opéra et écoute les chants qui sont à sa portée. Elle invente l’eau qui reste à la surface de l’eau et qui donc roule sans cesse sur elle-même pour respecter cette nouvelle loi de la thermodynamique. Cette vague créature, guichetière au musée des mots rafistolés, aspire les âmes infectes des auteurs qui ont pour premier désir de plaire.


auteurs : Fuligineuse, Desman

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