dimanche 4 mars 2007

Ce qu’il reste des lettres effilochées

Ce qu’il reste des lettres effilochées : des pages déchirées de ton carnet cubique qui se suivent dans une attention décousue, bienheureuses en tête, et forment des caravanes qui traversent les pages blanches les unes après les autres comme un train désaccordé de mille nuits, avançant vers le trépas de velours, comme chanté par un chanteur lyrique à l’ombre éclatante. Elles arrivent au cœur de la cité burlesque où l’appât rôde inachevé, et se réfugient à la machine à cafter, avant d’emprunter le secours de l’escalier horizontal qui les précipite dans l’enfer désordonné des poinçons volants avec de grands cris cadenassés.


Une ville parsemée d’horlogers en retard fond dans cette île parfumée étymologiquement comme des glaces fanées où dansent les ascenseurs pour les chats froids. Une série de troubles portemanteaux fête ton arrivée pointilleuse, agrippée à la paroi hivernale du grand pourfendeur de pensées actives censées te représenter dans une accolade sempiternelle. Tu pointes du doigt l’emprise sidérante des syllabes assoiffées de prise de position, mal éclairées par d’anciennes rues emplies de réverbères bucoliques, ouvrant d’affreuses cavités buccales et parlant d’une seule voix huileuse et lampée. L’aparole s’égoutte dans une flasque intervention monocorde, assise confortablement sur les jambes futiles et sincères du gardien du jardin d’acclamations.


Ce qu'il reste des lettres effilochées : un brin de persil, au creux de la main du triton, qui s'appuie négligemment au bord de la fontaine, les yeux dans le vague à l'âme. Ce qu'il reste, un hiéroglyphe à décrypter au fond de la tasse à café, où se sont noyés les yeux des amants ombrageux. Une manette de métal rouillé déclenche des cataractes de musique baroque et la sirène se drape dans leurs festons. La pleine lune lui fournit une boule de cristal où lire les messages subliminaux des astres perdus au milieu du désert. Les ermites les ont accueillis avec bienveillance dans leurs oasis métaphysiques et ils fourbissent longuement à la brosse à reluire leurs jalousies et leurs amères plumes.


Les treize anachorètes spiritueux au sex-appeal débordant oublient les cinq à sept de la marquise à la barbe blanche. Sa voix de soprano s’élance comme une cérémonie princière harnachée aux plus beaux lettrages de la côte est-asiatique. Plongée par cœur dans le ventre liquide de la soirée d’hier, quelques fossiles incrustés d’opaques caricatures accaparent les gendarmes et mettent à l’index le péage autoroutinier. Garni de bons sentiments guimauves et gélatineux, ce lieu de passage colle aux dix tours en guenilles et cache des couvertures, amis donnés à disparaître. Et lorsque claque la porte en dents-de-scie je coupe mes chevaux en quatre points ordinaux jusqu’au marché opus du grand bazar de l'hôtel du crime où les distributeurs de disques s’offrent au plus souffrant.


Au détour des relations accidentées d’un ciel souriant et bleuté, tu parles sans emballages des paquets de lunes ensoleillées sponsorisés par un collectif scripturaire. Au sein de celui-ci chacun porte un badge troué à force de l’embrasser comme s’il s’agissait d’une présence d’esprit incontournable centrée sur un désir d’ameuter les folles recherches archéo-illogiques. Chaque membre de cette secte est le parrain d’un mot de son invention, et doit lui trouver un sens, puis un sens caché, puis une histoire tirée d’un mythe fondateur. Chacun d’eux combat pour s’approprier d’anciens contes et légendes, d’anciens mots délaissés capables d’embellir et de mettre en valeur leur maître mot. Et toi, en freelance tu survoles leurs chants de batailles et tu violes leurs traités insensés et opiniâtres qui partent en fumée, alors tu les oublies et tu ouvres un livre.


Si encore j'avais un plan de cueillette bien déterminé, je pourrais à la rigueur déployer mes ailes vers le rivage le plus lointain, celui où les muses araignes lavent leurs genoux. Mais depuis que les tambours se sont tus, c’est à peine si j’entends encore mon cœur battre, et je me demande même s’il fonctionne toujours. (Aux dernières nouvelles, on me dit que oui, grâce au palimpseste dévorant émis chaque méridienne par les congrégations de nuages.) Je compte jusqu'à mille, attendant que le poisson cerf-volant s'élance vers le ciel, bondissant vers un autre cours d'eau dont le flot nous entoure de sollicitudes mordorées.


Sous les eaux, aux pieds de vagues rosiers riverains, s’amoncellent les preuves pertinentes d’une sortie de monotonie globale et maniérée. L’escale y est interdite. Provocantes comme une batterie de cuisine les loupes sanguinaires grossisent à vue d'œil et mâchonnent des idées noires. Les raies si familières jugulent le moindre spartiate isolé. Plus haut, les chaussures marchent par trois. Les pigeons, cools, roulent cachés par d’invisibles fenêtres. Les frondaisons se payent des pendaisons hors de prix. Les draisiennes chutent de haut. Les fourmis lynchent des pucerons. Les mots sont lâchés dos à dos et remis en question. Des versets s’acrostichent de leur mieux avant de tomber en désuétude.


Auteurs : Desman, Fuligineuse

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