lundi 12 mars 2007

Paulinius Zénoble Péliguon (version 1.3)

(février 1448 – 11 février 1501)

Sa vie

Né à Gravelines près de Calais, cet humaniste athée fut le dernier membre important de la guilde des Copistes Lumineux. Il était issu d’une famille de pêcheurs. Malgré son absence de foi, son père lui ordonna d’utiliser au mieux sa curiosité d’esprit et sa grande mémoire. À contrecoeur, préférant rester auprès de sa mère, il devint moine à l’abbaye de Saint-Riquier. Il y fit connaissance d’Astermille qui lui apprit l’existence de la guilde des Copiste Lumineux. Sous l’influence de ce Haut Maître il devint bientôt un de ses plus actifs adeptes en recopiant chaque nuit des œuvres d’auteurs qui lui étaient inconnus. Il quitta ce lieu en 1473, date de la construction d’un palais abbatial qui symbolisait à ses yeux l’opulence infertile des abbés et des moines plus centrés sur leur confort que sur l’érudition. Il alla rendre visite à sa mère qu’il n’avait pas vue depuis des années. Elle avait tant vieilli qu’il ne la reconnut pas au premier coup d’œil. Le connaissant par cœur, elle lui fit promettre de conserver son petit air moqueur et sa soif de savoir. Elle lui donna une bourse bien remplie afin qu’il aille étudier à l’université de Paris. Il préféra Oxford, où il arriva en 1474.

Péliguon a entamé une œuvre à jamais inachevée qui se voulait la description la plus fidèle possible de Lectoris, une ville d’environ dix mille habitants dont il a commencé à détailler l’histoire familiale de ses principaux représentants et figures marquantes. Il ressort de ses écrits que cette ville qui aurait voulu être la capitale du royaume de France et, par son érudition, briller et rendre la vie plus facile au-delà de ses murs. Officiellement une épidémie locale d'ergotisme décima sa population en 1233, ne laissant personne de vivant en les murs de la ville. Paulinius Zénoble Péliguon était un des rares à accorder crédit à cette thèse qu’il étaya jusqu’à sa mort, alors que la plupart des savants de l’époque, sous l’influence de Guillaume Budé, affirmèrent qu’il s’agissait d’un empoisonnement de grande envergure. Cette théorie du complot horripilait Péliguon qui allait à contre-courant en contredisant Budé et même Érasme sur la symbolique des œuvres de Pinclor.

Péliguon considérait Pinclor comme un auteur majeur de l’Antiquité. Il dénichait le moindre écrit portant le nom de ce polygraphe grec. Ainsi tout ce que nous savons aujourd’hui de Pinclor, nous le devons aux ouvrages que Péliguon a publiés de son vivant. Ce dernier mourut bien avant ses contradicteurs leur laissant la possibilité d’imposer leurs suppositions à l’ensemble des érudits de l’époque et jusqu’à nos jours. En 1503 sa seule et unique fille, Zénobie, mourut et perdit une grande partie des écrits de son père, notamment les ouvrages que celui-ci avait collationnés, alors qu’elle traversait la Manche dans le but d’éduquer Henri VIII, héritier du trône d’Angleterre.

À partir des quelques textes de Péliguon qui nous sont parvenus, le comte d'origine polonaise Wojciech Leokadich, qui avait racheté en 1889 l'essentiel des bâtiments restants sur le site abandonné de Lectoris, établit des plans détaillés pour reconstruire la ville et lui redonner sa splendeur passée. Il s'est appuyé notamment sur le mémoire intitulé Description fidèle et complète de la grande et noble cité de Lectoris en Thiérache pour servir à l'éducation des peuples à venir, que Péliguon écrivit vers 1498. A son tour le fils de Wojciech Leokadich, Pierre-Antoine (1907-1977), étudia l'oeuvre de Péliguon mais sur un plan littéraire et politique, voulant faire ressortir le caractère progressiste de ce texte et voir en Péliguon un précurseur des utopistes sociaux du 19e siècle.

Péliguon, comme ses prédécesseurs au sein de la guilde des Copiste Lumineux, voyait en Lectoris la ville d’où aurait dû et pu jaillir un bien-être futur. Cette concentration d’érudits résidant sur place ou de passage favorisait un brassage des cultures et permettait de se pencher sur des questions de tout ordre, même religieux. Péliguon fut consterné d’apprendre que la mort des habitants de Lectoris, au lieu de donner un second souffle à cet idéal, ne fit que renforcer la superstition qu’il savait avoir été renforcée par l’Église. Il ne se doutait pas que sa propre mort aboutirait au paroxysme de ce phénomène.

L’originalité de Péliguon fut de tenter de comprendre, clarifier, mettre en pratique et d’extrapoler les enseignements tirés des œuvres de Pinclor. C’est pour cette raison qu’il arriva à Lectoris le 11 février 1501. Lorsqu’il vit cette cité abandonnée où vécurent de nombreux savants dont les membres de sa guilde, il fondit en larmes. « Le Grand Œuvre est là ! » aurait-il dit, nous a rapporté son disciple nommé Lavoulette. Ce dernier décrit aussi sa propre peur devant ces ruines envahies par les buissons, les arbres et toutes sortes de cris d’animaux. Pétrifié d’effroi, Lavoulette laissa Péliguon avancer, accompagné de ses deux seuls ânes qui tiraient ses affaires et refusaient de se frotter aux ronces. Alors Péliguon décida de tirer lui-même la carriole. La caisse qu’il déchargea, emplie de ses écrits, l’écrasa de tout son poids. Lavoulette propagea la nouvelle, ce qui mit fin à l’existence de la guilde des Copiste Lumineux.


Son œuvre

À Oxford, Péliguon étudia l’histoire de sa guilde et répertoria ses nombreux apports directs ou indirects aux mondes des lettres, surtout avant l'hécatombe de 1233. Ensuite, sous l’effet des persécutions inquisitoriales, la guilde périclita malgré de grandes figures. Peu de documents hormis ceux mêmes de la guilde y faisaient encore référence. Péliguon projetait de redonner à sa guilde un élan décisif qui ne pourrait plus être balayé par un drame unique. Il misait beaucoup sur l’opportunité de pouvoir correspondre régulièrement avec les différents derniers copistes lumineux. Son intention se voulait en deux temps. D’abord redonner vie à Lectoris afin de bien montrer le retour de la puissance organisatrice de la guilde et amener de nouveaux adeptes. Et en second, développer les échanges entre les différents copistes et ne plus mettre Lectoris au centre. Chaque copiste deviendrait une partie d’un tout, et si l’un d’eux cessait de jouer son rôle pour une raison ou pour une autre, l’édifice y résisterait sans dommage. Le copiste défectueux serait vite remplacé au même endroit ou ailleurs.

Péliguon voulait aussi créer une science des parchemins et de leur classement malgré leur dispersion. Il nommait cette science l’ordopergaminutie. Il voulait que le moindre texte soit répertorié et que chaque membre de la guilde sache où en trouver un exemplaire, s’il était possible et nécessaire d’en faire une copie, à quel prix et en combien de temps. Il clarifia les nombreuses remarques du Haut Maître Valechon cachées sous un flux constant de tournures ennuyeuses et inutiles.

Un autre problème auquel s’attaqua Péliguon, au moins de façon théorique, fut le rapport des parchemins à l’argent. Il théorisa sur l’éventuelle nécessité et l’utilité de rémunérer les copistes afin de mieux les convaincre alors que le nombre d’adeptes de sa guilde diminuait d’années en années. Il interrogea de nombreux copistes afin de connaître leurs motivations. Il conclut qu’il serait judicieux de leur payer les frais liés à l’acquisition de parchemins de qualité car beaucoup de ceux qui passaient entre ses mains n’étaient que des palimpsestes dont certains étaient si usés qu’ils devenaient illisibles. La qualité de l’encre était aussi en jeu. Le transport posait parfois problème mais Péliguon ne pouvait souffrir des délais d’acheminement qui se comptaient parfois en années. Toujours dans un souci de qualité, il se questionnait également sur la rétribution des heures nécessaires aux copistes. Mais avec quel argent ? Les dons et la lecta (sorte de contribution imposée à chaque membre de la guilde des Copiste Lumineux au prorata de l’aisance de chacun, instaurée en 1258 par Jacques Galustre lors de la promulgation de la charte de la Grande Connivence) ne pouvaient suffire. D’autant plus que pour Péliguon comme pour ses prédécesseurs, Lectoris devait demeurer la priorité.

C'est cette inventivité qui lui permit, en succédant à Astermille, d’accéder au grade de Haut Maître en 1476 alors qu’il n’avait encore que 28 ans. Il devint donc le plus jeune Haut Maître de l’histoire de la guilde des Copistes Lumineux. Cela est dû, d’après certains historiens qui n’apprécient ni la personnalité de Péliguon ni son œuvre, au déclin de la guilde, à son nombre très réduit d’adeptes et à l’influence d’Astermille qui le considérait comme son fils. Il est vrai que cette confrérie acquérait des traits de plus en plus monarchiques. Péliguon voulait lutter contre cette forme de dégénérescence mais à sa mort, il n’avait toujours pas résolu le problème de la meilleure gouvernance de la guilde. Il avait étudié les classiques grecs et romains ainsi que quelques rares documents phéniciens qui donnaient des informations sur les qualités des différents régimes politiques. Péliguon aurait voulu faire de la guilde et de Lectoris les exemples à suivre d’organisations utiles au vivre ensemble.

Le plus grand reproche fait à Péliguon de son vivant et jusqu’à nos jours fut son incapacité à prévoir les effets de l’imprimerie alors que lui-même avait publié plusieurs de ses œuvres à l’aide de cette nouvelle technique. Il est vrai que rien ne prouve qu’il fut l’instigateur de ces publications. Son disciple Lavoulette ne nous apprend rien sur ce sujet. D’après les plans dont il est l’auteur, il semblerait que Péliguon n’envisageait pas la création d’une imprimerie au sein de Lectoris. Peut-être que ce n’est pas sa mort qui mit fin à l’utopie effleurée par la guilde des Copistes Lumineux mais plutôt un manque d’innovations en profondeur. Il est vrai que parmi les dizaines de milliers de copistes que compta la confrérie au fil des ans, aucun ne prit la peine d’essayer d’améliorer la qualité et la quantité des copies à l'aide de nouvelles techniques. Malgré de si grands talents, personne n’eut la présence d’esprit de créer cette machine révolutionnaire alors qu'il est évident que dès le XIIIe siècle certains membres qui partaient dans des contrées éloignées au péril de leur vie ont dû prendre connaissance de l’existence de la xylographie asiatique.


auteurs : Desman, Fuligineuse


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