mardi 13 mars 2007

Sommeil gonflé à l'hélium

Le soleil a été parachuté au centre de la forêt comme un disque de bronze épanoui. Les musaraignes en sont restées pantoises. Il s'est étiré langoureusement et a déplié ses bras articulés qui atteignaient jusqu'à la lisière de la plaine. En pleine éclosion de bourgeons prématurés, celle-ci a explosé en cris hachurés jusqu'à ce que le tambour de ville annonce la nouvelle. Une troupe de dresseurs de maïs et de planteurs de tigres s'est aussitôt dirigée en procession vers le bois qui rayonnait en immersion totale dans l'épiphanie de son rouleau de printemps. Avec eux venaient des musiciens sautillants qui tiraient de leurs instruments imperméables des sons acidulés pour réveiller les marmottes et les homards thermidor.

Le plaisir continue sous un cercle de lumière rayonnant de mille feux attendri par un avion volé la nuit par d’inter-minables soldes. De toutes manières il venait d’être écrasé par une chute de prières enchantées poussées par un pilote hargneux à l’égard de lest. Ce dernier a démissionné lorsqu’il vit, éclairé par un clignoteur défectueux, son anamnèse personnelle sponsorisée par de grandes marques de médicamenteurs comme des arracheurs dedans une remise de nuit. Il préféra conduire un vague aéroglisseur qui lui permettait d’alpaguer une pêcheuse mal fichue et un avocat à la double nationalité sans fraise et petit-suisse naturalisé par un taxi d’Hermiste au demeurant seul capable d’illuminer les intermédiaires publicitaires.

Ce foyer qui rayonne de tous ses tentacules participatifs ne pourrait pas exister sans les écureuils qui, tournant sans arrêt dans leur cage de Faraday, lui fournissent son énergie. Les écureuils sont eux-mêmes alimentés par les gardiens du temple qui passent chaque matin avec leurs grands sacs Hoche pleins de noisettes en chantant des ballades irlandaises. Les gardiens vont ensuite déjeuner tous ensemble chez Dubuisson. L'après-midi ils s'occupent des tigres qui sont beaucoup plus exigeants que les écureuils. Les tigres aiment particulièrement les sorbets et la sorbetière tourne à temps complet pour eux à la buvette de l'Assemblée Nationale. Ostensiblement, insensiblement, irrémédiablement, le fleuve entraîne notre lenteur langoureuse vers les rapides qui se retournent dans leur sommeil hivernal.

Les eaux s’agitent parce qu’il était une fois un conteur qui était arrivé une fois, et ce sera l’unique fois, au pays des contes de fées. Il y perdit sa patience, ses mots-valises, ses fuseaux horaires, son omniabsence, son archemin. Il y retrouva la vie, une vieille connaissance. Ils se sont rencontrés lors d’une soirée matinale. Du haut du talon, il aperçut un écueil volant qui dansait comme un ventre. Un cou de pied (je veux dire une cheville) gonfla comme un univers en expansion touchée par sa veuve. Il sautilla, il sautilla, mais pas moyen d’éloigner son enflure. Il s’assit dessus et mangea un piège à boulanger. C’est ainsi qu’il guérit et propagea la bonne nouvelle selon laquelle il en était fini de la mort. Il ne comprit pas que la mort pour rester en vie ne devait pas tuer tout le monde en même temps. Depuis ce jour, pour parler, ce conteur dut apprendre une langue agonisante.

Du coup, le conteur a été remis à zéro. Parfois il s'efforce en vain de remonter les pendules et de descendre les flammes, mais très vite il préfère laisser tomber. Il rôde dans des musées désaffectés, dans des églises transformées en boites de jour, dans des magasins de mitrailleuses. Il mange des tartines de colportage. Ses cheveux ont tellement poussé qu'ils font trois fois le tour de la maison. Il est régulièrement invité dans des poires-conférences pour y dire des contes de vits et de maures. Sa renommée dépasse les frontières de la fiction et s'étend jusque dans les espaces virtuels où les fractales se composent et se décomposent en de gracieux balais aquatiques.


auteurs : Fuligineuse, Desman


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