vendredi 23 mars 2007

Les mots tombent du ciel

Les mots tombent du ciel et éclaboussent la conservation à bâtons rompus des pangolins minoritaires. C’est pour cela qu’il faut ramener Robert Kaïlle, l’empereur manchot, au cœur pur de la banquise qui s’esquive et décide de s’offrir des vacances au soleil. Il est le seul à pouvoir voir des poux parmi les fausses notes apportées par les dirigeables de l’est et de l’ouest. Pendant ce mauvais temps les flocons de lumière sont pressés et envahissent les rues pour faire du lèche-vitrine. Ils emporteront avec eux des bonnets pomponnés, des paroles mal tenues, des affiches délaissées, des nouvelles fraîches, et nul ne discutera de leurs goûts et de leurs couleurs.

Nous n'aurons pas le temps d'en discuter, nous avons trop à fer. Je vais du four au moulin, en navette spatiale décommandée dont le trajet se répète indéfiniment comme les serments des serpents espérant des arpents de sarments. Je récolte dans ma brouette des paix-le-thé de billets, doux ou acides, destinés à cette banque glaciale de la banquise, située au troisième iceberg à gauche en sortant. A peine sortis du permafrost, ils frissonnent encore tandis que je les dépose dans des cases treillagées en leur prodiguant des encorbellements tuméfiés. Là les comptes sont gelés pour une petite tranche d'éternité. Un bref salut de Robert Kaïlle et je peux reprendre ma route en chantant.

De mon côté je pars sur un petit porte-bateau. Un maître sauveteur nageur à domicile me donne sa carte. Je le teste en le lançant par-dessus bâbord et il ressort côté tribord, un ours blanc entre les dents. Il remonte et voit que je préfère regarder une brochure écolo de la Société Protectrice des Insectes qui cherche des fonds marins pour une nouvelle expérience hors du commun des mortels. Déçu de ne pouvoir participer, à l’avant turbulent, je libère la lettre préaffranchie où j’insère un chèque en bois dans la cheminée. Puis en vue de la prochaine escale, je me souviens que j’ai oublié mon passe-port. Je vais être une fois de plus recalé dans un réduit sans bougie. Il ne manquerait plus qu’on me donne la quarantaine. Pas grave ! Je vais me dérider avec le cuistot latino maestro du tango.

L’affreux, il m’a cuisiné comme un cas d’OGM rebelle. Il m’a montré une carte michemin et m’a dit de retourner chez moi à dos de missile. Il m’a donné son scooter multifonction ainsi qu’un vieux tire-embouteillage. J’ai jeté un clin d’œil à la neige aquatique et je suis tombé la tête en avant sur un péagiste en formation. Des sous ? Si ! J’en ai eus ! Commença alors un dialogue de source sure et indigeste. J’avais beau expliqué que j’écrivais pour le plaisir et pas pour l’Argentine ou je ne sais quoi, il ne voulait rien lire. J’avais beau dire que même si je ne connaissais pas l’angoisse de la page blanche, je connaissais celle de ne pas avoir de page blanche, il refusait tout mes mots en vrac. Alors j’ai fait de magnifiques tas harmonieux, et je les ai coloriés avec mon stylo fluo. Je n’ai pas aimé son regard. Il était aussi fébrile qu’un dentiste maladroit qui vous bave dans la bouche et qui vous saute aux yeux de tous. Heureusement qu'il ne m'a pas rentré deux dents. Maintenant, même si je me porte bien, j'évite le moindre terrain glissant. Et quand je suis hors de moi, je me porte moi-même.

Et désormais, penchée du haut du pont, je lance des petits cailloux ronds dans l'eau légèrement métallisée et dont les bulles m'entourent comme d'une ouate thermogène. Vain espoir de ricochets que le chef d'orchestre administrerait avec vigueur de sa baguette de coude vrillé ! Mais il est probable qu'une trace indélébile de musique flotte encore au-dessus des eaux. Sinon, la sirène ne pourrait pas retentir avec la même esperluette. Nous aurions dû réunir ici tous les signes, emblèmes, symboles, marques, indices du passage assuré des grands herbivores. Mais nous étions trop occupés à hacher menu des participes. Peu importe, bientôt le facteur nous apportera de nouvelles séries de lettres. Nous lui demanderons s'il est rosigoûteur et nous l'arroserons de pelure d'oignon.



auteurs : Desman, Fuligineuse

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