dimanche 18 mars 2007

Pierre-Antoine Leokadich (verions 1.2)

(19 novembre 1907- 13 janvier 1977)

Fils du comte Wojciech Leokadich d’origine polonaise, après des études d’archéologie, il reprit les documents de son père et étudia l'oeuvre de Paulinius Zénoble Péliguon sur un plan littéraire et politique. Il voulait faire ressortir le caractère progressiste de ce texte et voyait en Péliguon un précurseur des utopistes sociaux du 19e siècle. Le peu d’éléments dont il disposait pour satisfaire sa curiosité le poussèrent vers l’écriture d’un roman fleuve, Fatum Lectoris ("le destin du lecteur"), qui mélange à la fois ses connaissances antiques sur l’œuvre et la vie de Pinclor et de Péliguon, l’histoire de la ville de Lectoris, la vie de son père ainsi que sa propre imagination.


Devant l’insuccès de ce premier roman, il donna des cours d’histoire et d’archéologie et écrivit des nouvelles qu’il plaçait dans différentes revues littéraires ou non sous différents pseudonymes. Au bout d’une dizaine d’années, il gagna assez d’argent pour se contenter d’écrire pour son propre plaisir. C'est sa jeune épouse Elvira qui s’occupait de trouver des éditeurs pour ses nouveaux textes, qui étaient de plus en plus courts. À la fin de sa vie, il se contentait de nouvelles d’une page ou deux. Il explora, à la manière de Pierre Boulle, tous les genres possibles. Il ne cherchait pas à avoir son propre style. Il cherchait simplement à trouver des histoires et des situations originales. Sa femme ne veut pas divulguer l’ensemble de ses noms d’emprunt. Elle a précisé, lors d’un entretien radiophonique consacré à son mari, qu’elle préparait un dictionnaire exclusivement réservé à ses différents pseudonymes, nouvelles, personnages et autres noms propres utilisés ou inventés, styles, expressions, néologismes… En attendant cet ouvrage, certains jeunes chercheurs en littérature française contemporaine commencent à affiner sérieusement leurs travaux d’études concernant Pierre-Antoine Leokadich. Une émission spéciale diffusée dans "Une vie, une œuvre" sur France-Culture en janvier 1997 lui a été consacrée pour commémorer le vingtième anniversaire de sa mort.


C’est ainsi que nous savons que Pierre-Antoine Leokadich avait commencé à rassembler des éléments pour écrire une histoire complète de la Guilde des Copistes Lumineux, dont Péliguon avait été le dernier Haut Maître. Il s'agissait non seulement de retracer l'histoire globale de la Guilde elle-même, sur l'espace d'environ trois siècles (de 1172 à 1501), mais aussi de raconter la vie de tous les personnages marquants qui en avaient fait partie, à commencer par le fondateur, Jilleil.


Il s'est avéré qu'il utilisait parfois des pseudonymes féminins. Ainsi il a signé sous le nom de "Fuligineuse" différents textes, dont les Lettres décousues de 1951 auxquelles il ajouta une seconde signature, "Desman". Il aimait se démultiplier.


« J'ai beau essayer de me diviser, il arrive un moment où je suis irréductible. » - Interview de 1974


Il avait conçu également le projet d'une encyclopédie imaginaire dont tous les éléments allaient par deux en répondant à des correspondances secrètes qu'il avait établies entre eux. Une ville pouvait être associée à un instrument de musique, un fleuve à une fleur, un livre à un animal, etc. Bien avant l'avènement de l'informatique pour tous, ceci demande à être précisé pour qu'on n'y voie pas une quelconque allusion, il s'était prévu une place dans sa propre encyclopédie en s'associant à un mulot. Au moment de sa disparition, les fiches établies en vue de ce travail étaient au nombre de 4807.


En 1954, Elvira Leokadich retrouva dans de vieux cartons d’anciens cahiers de son mari. Il les relut avec intérêt. Il s’agissait de théories sur de nouvelles formes de démocratie qui lui semblaient primordiales à l’époque et qu’il n’avait jamais approfondies par manque de temps. Il reprit cet idéalisme avec la même passion. Avant de tester ses théories à l’échelle d’une ville ou d’un pays, et étant contre toute forme de révolutions qu’il trouvait toujours hasardeuses, il se limita à quelques très petites entreprises. Son idée maîtresse portait en premier lieu sur un contrôle non exécutoire des décisions du chef d’entreprise par les ouvriers. Il fut déçu de ne trouver qu’une seule entreprise en France où les ouvriers et le patron acceptaient cette idée de transparence totale. Il s’agissait de l’entreprise familiale crée par Nicolas Bridevoix à Autruy-sur-Juine dans le Loiret. Ce garage de cinq ouvriers fonctionnait bien, il est vrai, mais l’arrivée de Pierre-Antoine Leokadich, après un accueil bon enfant, sans dégénérer à un pugilat, aboutit à mettre sur le tapis d’anciennes querelles engendrées par la jalousie ou l’incompréhension. Des demandes d’explication surgirent. Surtout lorsque les ouvriers (dont les deux frères de Nicolas Bridevoix) découvrirent la quantité d’argent investie dans le nouveau matériel d’occasion qu’ils venaient de recevoir. Huit mois plus tard, David et Benoît Bridevoix quittèrent le garage pour fonder le leur dans la commune d’à côté, à Charmont-en-Beauce. Fort de ce succès qu’il cachait aux nouvelles entreprises qu’il prospectait, Pierre-Antoine Leokadich fit le bonheur et le malheur de plus d’une centaine d’ouvriers et de dix-huit patrons. Ses statistiques s’empilaient, ses théories s’affinaient, sa passion augmentait… jusqu’au jour où un patron se vengea physiquement et qu’il se retrouva les jambes brisées sur un fauteuil à roulettes pendant plus d’un an ; ce qui mit fin à ce projet.


Ensuite Pierre-Antoine Leokadich passa de nombreux mois de rééducation à Poschiavo dans les Alpes italiennes pour se muscler les jambes et réapprendre à marcher. Il prit alors goût à la marche et acheta dans la région un chalet très confortable qu’il ne quittait que pour explorer d’autres pays pentus à souhaits. C’est ainsi que, resté très sportif en abordant la septième décennie de son âge, Pierre-Antoine Leokadich mourut au Bhoutan dans un accident de montagne au cours d'un trekking dans l'Himalaya.


auteurs : Desman, Fuligineuse

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