samedi 17 mars 2007

Bandonéon au plafond

Du fin fond du faubourg nous parviennent des harmonies désaccordées, désinfectées, désarticulées. Nous nous dirigeons vers ces sources d’eau claire pour y laver nos oreilles ensablées de rumeurs urbaines écorchisantes. Dans les rues, sur les pavés mouillés, traînent des lueurs polaires tombant des tubes au néant qui ornent les enseignes menteuses des établissements disposant de la licence IV. Un autobus hors d’âge passe en secouant son menton en galoche, les passagers s’accrochent frénétiquement à leurs cornalines, le contrôleur passe un peigne d’écume dans ses cheveux bouillonnants. Plus nous approchons de la taverne, plus la musique nous enroule dans ses volutes voluptueuses. La porte s’ouvre soudain brutalement.

L’autobus nous envoie promener sous les arcades sourcilières de la seule place assise à des kilomètres à la ronde. Une musique ambiguë accompagne un champteur adepte du vibratotracteur continuel. Sa champson détaille le but de la vie qui se dépouille de ses plaisirs un à un et se retrouve nu comme une prophétie réalisatrice à la fibre optique municipale. Derrière ce phénomène, nous apercevons une cloueuse de girofles au long cou tacheté d’anciennes vignettes. Cette femme, parfumée avec des pots-pourris pourris, s'est affublée d’une décente de lit fleurie de myosotis fanés. Elle porte aux pieds des mokas singeant des feux de tailles différentes.

Derrière ce nuage de musique imprécise, je devine un vieillard gothique qui aligne des métamorphoses symboliques et des piques aiguisées. Il feuillette l’histoire de nos vies. Souvent il s’ennuie moins seul qu’en compagnie d’un autre, depuis que la tribu des auteurs du peuple des créateurs qui n’ont plus la prétention de changer les gens et le monde ne cesse de bourgeonner dans tous les sens. Les mots creux rouillent à la moindre lecture, les phrases s’écaillent à longueur de texte et les livres s’effritent dans nos mains, sous nos yeux isolés comme des astres prévisibles. Ce vieil homme au volant de ses pointillés mirobolants, je l’admire !

Il porte une barbe fleurie et des sandales barbaresques. Il écoute toute la journée de la musique ancienne, surtout des maux taies et des madrid-goths. Sa maison est un composé harmonieux de chandeliers baroques et de baroudeurs. Vieil art de situer et d'intégrer les atermoiements de nos peccadilles. Nous sommes complètement sous sa coulpe de glace à la fraise. Il suffit d'appuyer sur un bouton de rose pour recevoir en pleine figure un flux déchaîné de sorbets aux couleurs fluorescentes. Mais une épuisette astucieusement disposée permet de les récupérer à temps et de les déposer sur un compte joint dont les courbes sont indexées sur la diagonale du fou.

Par vagues, les actions déferlent, montent et descendent des caïds à tour de données préélectorales. La moindre variable s’ajuste comme une dernière goutte de rhum avant de refermer la barrique à grands coups de marteau. La soute de la galère est bientôt remplie. Les ornements lustrés brillent et coulissent de long en large au gré des vents affectueux. Le capitaine déguisé en matelot sombre est clairsemé de paillettes violacées. Il indique la voix à écouter et s’agenouille en demandant grâce aux intempéries. Il heurte la terre ferme et définitive avant de se signer en bas à droite. Il voit sa cargaison s’enflammer. Le voilà seul comme jamais comme toujours. Il attend là, relève sa visière trempée de sueur et il porte dans ses rêves une hacienda couleur orange au jus sanguinolent. Ses yeux se ferment sous l’acidité et sa tête explose d’incertitudes.


auteurs : Fuligineuse, Desman

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